Atelier N°92 : Sandrine COLLETTE et les nouveaux polars
Nous étions 14 ce 18 mai 2015 pour échanger sur ceux que Télérama avait appelé Les Nouvelles gâchettes du polar à
commencer par Sandrine COLLETTE dont nous avions lu, dans le groupe, trois romans.
Six fourmis blanches (2015)
Des morts dans ce roman, mais pas de meurtre. Pas de police non plus. C'est l'alternance de deux récits, celui de
Mathias qui est sacrificateur, et celui de Lou qui raconte un treck dans les montagnes d'Albanie pendant lequel
ils seront en relation avec un enfant, très particulier possesseur d'un don. On fait appel au sacrificateur pour
amadouer les dieux, les forces obscures, et faire réussir ses projets : il faut emporter une jeune chèvre et arrivé
au lieu voulu, la lancer dans le vide, en offrande, afin de la tuer.
L'atmosphère du roman est lourde, angoissante, la montagne est menaçante, le guide incompétent, la neige les
égare, et plusieurs randonneurs meurent dans le froid. L'enfant est le petit fils d'un seigneur mafieux, qui exige
qu'il soit initié et formé, pour à son tour devenir sacrificateur. Mais le personnage principal Mathias, et le
lecteur, comprennent que ce jeune garçon est en fait l'incarnation du Mal. L'incipit du roman était : Le mal
suinte de ce pays comme l'eau des murs...
Ce roman, dernier paru, n'est donc pas un policier au sens habituel, mais un récit prenant, à sensations, très bien
écrit, avec de parfaites évocations de la haute montagne et d'un parcours dans la neige.
Noeuds d'acier (2013)
Autre roman de COLLETTE, nauséeux, très angoissante histoire de séquestration. Dans une campagne qui peut
être le Morvan où vit l'auteure, deux vieillards séquestrent régulièrement des hommes qui devront faire à leur
place tous les travaux de la ferme. Deux étant morts, ils en ont recruté un autre, Théo, un repris de justice, un
assassin qui a purgé sa peine de prison, par qui nous suivons le récit des violences subies. Perversité des deux
vieillards sadiques, Théo doit aussi satisfaire sexuellement leur très vieille soeur, et se pose à lui le problème de la
soumission à ses bourreaux : jusqu'où peut-on supporter coups et humiliations pour sauver sa peau dans cette
atmosphère concentrationnaire.
C'est à nouveau le thème du Mal dans l'Homme que traite Sandrine COLLETTE, et l'on retrouve ici la qualité
de son écriture, dans ce qui n'est pas pour nous véritablement un polar, mais un huis-clos sordide, gore,
parfaitement réussi.
Un vent de cendres (2015)
Le lieu : la Champagne pendant la semaine des vendanges dans un domaine, belles évocations du paysage et du
travail à faire, des journaliers ont été recrutés, dont des étudiants parfois novices; il y a Lubin le maître de chais,
et les deux propriétaires, Octave que l'on voit parfois dans les vignes et aux repas, défiguré et boitant après un
terrible accident d'auto, et son frère, Andréas, qui reste cloîtré dans le château.
Le récit s'ouvre sur cet accident : les deux frères étaient en compagnie de Claire dans la voiture au toit ouvrant,
Claire s'est mise debout , ils ont heurté un poids lourd, une poutre de métal s'est détachée du camion et a
décapité Claire, dont la tête est tombée sur les genoux du conducteur, tous sont inondés de sang.
Et quatorze ans plus tard, suites psychologiques évidentes, impossible aux deux frères de survivre intacts à un tel
traumatisme. D'autant que parmi les étudiantes venues vendanger, il y a Camille qui ressemble trait pour trait à
Claire. L'auteure ne met jamais en scène ensemble Octave et Andréas : sont-ils en fait survivants tous les deux?
Nous avons beaucoup discuté sur cette schizophrénie pas toujours évidente pour le lecteur. Quel est le survivant?
Et les cendres du titre? Camille, tuée par Andréas-Octave est cousue à l'intérieur du corps d'un gros cheval
mort, envoyée à l'écarrissage pour y être incinérée, petite fumée dans le ciel... Trop gore à votre gré?
Le Dernier tigre rouge de Jérémie GUEZ
Ce roman cité dans l'article Télérama, est publié en poche dans une collection Grands Détectives. Pas l'ombre
d'un policier ici non plus, mais c'est une belle surprise. Le héros est un légionnaire tireur d'élite, que le lecteur
suit depuis le Débarquement de juin 44, au corps expéditionnaire en Indochine et à la chute de Dien Ben Phu. Il
croise à plusieurs reprises un mystérieux ex-légionnaire passé au Viêt-minh, et qui chaque fois l'épargne au lieu
de l'exécuter. Le mystère jusqu'à la fin est là, sur l'identité de cet homme. Le récit, fait de l'historique des
diverses phases de cette sale guerre, est passionnant : oui, une surprise, et excellente!
Yerul Dellger de Ian MANOOK
Le nom de l'auteur peut aussi se lire plus simplement: MANOUKIAN, et le titre est le nom de son invincible
inspecteur. L'action du roman est située en Mongolie, dans les bas-fonds d'Oulan Bator, que visitent à leurs
risques les touristes chinois et coréens : c'est terrible, c'est sanglant, c'est à lire!
(Nous avons longuement parlé de MANCHETTE, du polar marseillais avec J.Cl IZO et Jean CONTRUCCI, de SIMENON et du très gros et
très bon roman de Joël DICKER : La Vérité sur l'Affaire Harry Québert etc.)
Prochains Rendez-vous : lundi 1er juin avec La Petite lumière et Je vous écris dans le noir de J.Cl SEIGLE; lundi 22
juin, avec La Leçon d'allemand de Siegfried LENZ, É chappé de DUROY (sur le pays de Nolde) ou autre romancier allemand.
* DH