Atelier Lecture du 5 octobre 2015

 

 

« Jacob, Jacob » Valérie Zenatti

 

 

 

Une belle unanimité du groupe, nombreux, qui a pris plaisir à la lecture et relecture du beau roman de Valérie Zenatti : Jacob, jacob.

D’emblée les qualités de l’écriture sont saluées par tous. Cependant, la construction en deux parties inégales – avant et après la mort de Jacob - a pu paraître comme une trop grande rupture. Pour certains même, le roman aurait pu s’arrêter à la première partie.

Après un court résumé de l’action du roman, on a pu insister sur la place des « pieds noirs » aux côtés de la France contre l’Allemagne nazie. Ici, c’est  la communauté juive de Constantine qui est concernée avec l’incorporation de Jacob dans l’armée française pour participer au débarquement de Provence.

C’est l’occasion de rappeler les souvenirs de J. qui a connu l’époque où de jeunes juives étaient accueillies dans son collège sans qu’on sache vraiment pourquoi elles disparaissaient.

 

Le héros de ce roman est bien Jacob qui fait figure d’archange sensible et beau, adoré par les femmes de la famille et en particulier par sa mère Rachel. Dans ce milieu modeste, sa réussite au baccalauréat annonce une réussite sociale inespérée et elle rêve de le voir devenir professeur, rédacteur de journal ou cadre dans l’administration. Imprégné de culture française, il est présenté comme « différent » des hommes de sa famille et surtout naturellement prêt à défendre la France.

 

S’ajoutent de très beaux portraits de femmes qui manifestent un courage à toute épreuve  devant les difficultés de la vie liées à la pauvreté, à la promiscuité dans un appartement exigü, à la brutalité des pères et à leur dépendance totale qui les réduit au silence. Elles subissent le poids d’une société patriarcale parfois assez proche de celle qui régnait dans nos campagnes autrefois. Madeleine, la belle sœur, « pleure parfaitement sans bruit, ça fait onze ans qu’elle s’entraîne » (p.30)

 

Les hommes tout-puissants vivent comme ont vécu leurs pères et leurs grands pères. Ils font respecter leur autorité par la violence, se refusent à partager leur peine. Abraham, à la mort de Ginette, préfère s’adresser à ses ortolans plutôt qu’à sa femme Madeleine. Chacun fait son deuil comme il peut dans ce monde fruste et dur d’où Jacob rêvait  de s’échapper en chantant les succès du cheik Raymond.

 

C’est donc bien toute une communauté qui revit dans ce roman écrit à partir d’une photo de l’album de famille et des souvenirs laissés par Jacob dans la famille. Même s’il peut paraître idéalisé, l’auteur n’élude pas la complexité de la société algérienne en choisissant de lier le sort de Jacob à quatre autres soldats issus de communautés différentes. Ce roman devient ainsi une sorte de réquisitoire contre la guerre et son absurdité qui transforme les plus doux en meurtriers vindicatifs.


Ce roman fait écho à l’histoire des Juifs et au statut des survivants de la Shoa. Sa thématique aborde un problème d’actualité qui est le mouvement de retour vers Israël des Juifs de France pour y retrouver protection et sécurité.

Il est fait allusion au travail de Benjamin Stora et d’Aaron Appelfeld.

 

De l’écriture de ce roman, on retiendra le souffle qui anime ses phrases longues, l’absence de dialogues puisque les personnages ne parlent pas mais plutôt comme la restitution de voix intérieures.

On retiendra aussi l’image initiale du pont de Constantine et le vertige qu’il dégage comme premier pas vers l’exil. L’oreille coupée de Louise, trace de barbarie non élucidée, qui pousse Jacob à tuer et enfin le galet offert à Gabriel qui reprendra à son compte l’idéal de Jacob dans une autre guerre.

Nous conclurons sur les pages d’amour entre Louise et Jacob en marche vers sa mort.

 

Un roman fort donc qui répond au désir de l’auteur de transmettre à travers des destins individuels la complexité de l’Histoire. Un roman qui a une portée universelle.

 

 

Dates des prochains ateliers : 2 novembre puis 30 novembre


pour le 2 nov : Alice Zeniter « Sombre dimanche » et « Juste avant l’oubli »

pour le 30 nov : Matthias Enard : » Rue des voleurs « 

 

Ont été proposés aussi : « La saison de l’ombre »  de Léonora Miano (Pocket) où l’esclavage est vu de l’intérieur et s’adresse aux Africains

                                               « D’après une histoire vraie » Delphine de Vigan  qui aborde les rapports de la fiction et de la réalité

                                               « Eden, utopie » de Fabrice Humbert qui aborde l’histoire de sa famille maternelle, famille protestante…

                                               « Venus d’ailleurs » de Paula Pigani

                                               « Un bon père » de Pascal Bruckner

                                               « Meursault, contre enquête » Kamel Daoud ….

 

                                                                                 

 

 

 

                                                                                                                                  Y.B. et F.L.